mardi 9 octobre 2007

Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt...

Cet aphorisme énigmatique plonge mon esprit dans la plus grande perplexité, et ce de manière régulière, puisqu’il s’impose à ma pensée tous les jours au saut du lit, aux alentours de 13 h 21.

En effet, ce dicton populaire, que l’on pourrait croire inoffensif, déclenche chez moi une avalanche brûlante de questions existentielles. D’incandescentes vagues d’interrogations métaphysiques déferleront alors, tout au long du jour, dans les méandres obscurs de mon cerveau.
Elles se frayeront tant bien que mal un chemin, sinuant à travers une épaisse forêt de palétuviers philosophiques : de mystérieux arbres solidement ancrés dans le limon de ma raison et sur les branches desquels trônent de sages hiboux hypocondriaques somnolents.
Ceux-ci ont pris pour habitude de se lancer becs et plumes dans d’interminables débats ontologiques, autour d’une bouteille de martini et d’un ramequin d’anchois à la catalane (à l’inverse de ces abrutis de lézards préhistoriques qui squattent les abords de mon cerveau reptilien, sans avoir pensé une seconde à amener un décapsuleur pour s’enfiler les bières qui gisent à leurs pieds.)

Quoi qu’il en soit, l’heure que mes paupières choisissent pour s’ouvrir m’interdit de prétendre à la possession du monde, et ça m’est bien égal, car comme vous le diront tous ceux qui me connaissent : je ne suis pas homme à vouloir devenir propriétaire de planète.
Pour être honnête, j’ai déjà assez de bordel qui traîne à la maison comme ça pour ne pas en plus m’encombrer d’un astre céleste vétuste, recouvert d’une couche de pourriture immonde qu’on a baptisé « humanité ». Quitte à entrer en possession d’un truc moisi, autant que ce soit un bon bleu d’auvergne bien puant !

Vous l’aurez très bien compris, à moins que vous ne fussiez incroyablement cons : le hippie aux cheveux gras que je suis, n’entre pas dans la catégorie des prétendants au titre de « maître du monde ». Mais alors ! Qu’il me soit permis de poser la question qui s’ensuit logiquement : Qui ?
La question entière ici étant bien évidemment : « qui peut bien vouloir avoir le rêve désespérément crétin de posséder la terre au point de se lever avant le soleil ? » Un « qui » isolé de la sorte n’a effectivement aucun sens, ou alors peut-être autant de sens que la carrière musicale entamée par passe-partout (gnome galopant télévisuel, habitant un fort au large de la rochelle, dans lequel des femmes se livrent à de sensuels combats dans la boue)


Dans un premier temps, j’entrepris méthodiquement de dresser le portrait type du parfait leve-tôtiste mondo-conquérant. Finalement, devant les insupportables soulignements écarlates d’un logiciel de traitement de texte obtus qui ne tolère aucune fantaisie néologiste, je me vis contraint à l’abandon.

Mes pensées continuèrent donc le brillant cheminement entamé plus haut, et arrivèrent à échafauder un archétype satisfaisant de « celui qui se lève tôt pour que le monde puisse peut-être un jour lui appartenir ». La chose en question appartient au règne animal, bien qu’elle fasse tout pour se persuader du contraire. La créature qui nous intéresse est humanoïde, porte un costume cravate austère aux coloris gris pierre tombale, elle a vu le jour, il y a approximativement 37,6 ans. De sexe anglo-saxon et de nationalité masculine, La personne en question, qu’elle fasse partie du monde politique, médiatique ou économique, ne vise que la surcharge pondérale de son
porte-monnaie, rien d’autre ne compte ( sauf, bien sûr les valeurs universelles que sont l’argent et la monnaie, bien entendu).

Peu importe que nos petits-enfants soient promis à d’horribles saignements nasaux à chaque fois qu’ils décideront d’aller humer l’air du dehors, c’est à leurs risques et périls. Ils n’auront qu’à gambader sur l’écran, les vrais arbres ne sont pas si intéressants que ça. Qui sait ? Les pathologies de nos bambins, conséquences inéluctables de la dégradation de l’écosystème mondial, seront peut-être une source importante de potentiels marchés et nous pourrons ainsi continuer à rependre la peste capitaliste sur le globe ! Ceux qui se lèvent tôt n’auront alors que peu de matins à voir venir, et les branleurs écolos pessimistes comme moi seront encore lapidés de toutes parts par ceux qui continuent de prôner la croissance économique en oubliant de faire la sieste.

Une fois que mes élans alter-mondialistes furent calmés, il me fallut recentrer la réflexion sur l’aspect linguistique du proverbe énoncé plus haut et admettre la vacuité de ma démarche.

En effet, essayer de dresser l’archétype de celui qui se lève tôt,
revient à classer la population, à la hiérarchiser selon son pouvoir d’achat, son milieu et prétendre ainsi pouvoir lire ses comportements, anticiper ses désirs et ses aspirations, oser deviner la façon dont chaque humain raisonne. C’est avec chagrin que je me surprends à user des armes du publiciste (verrue sociétale purulente qui ne part pas à l’azote) le plus irresponsable, qui considère son prochain comme une cible, ne mesurant pas la noirceur des actes qu’il perpétue au nom du très saint marketing. Ce seront sans doute les séquelles de mes cours de communication, que l’on devrait s’empresser de rebaptiser « cours de manipulation des masses.» Une vocation qui a de l’avenir dans une société d’hypnotisés.



Deux choses me différencient clairement d’un chevalier Jedi, la première se résume à un triste constat : j’ai beau laisser glisser ma main dans les airs, d’un geste lent et empreint de mystère, sous le regard d’autrui ; la personne visée ne se range jamais à mon opinion et n’accède à aucunes de mes requêtes, rien à faire ! (Par contre j’annonce avec fierté que ça fonctionne pour forcer les portes d’hypermarchés à s’ouvrir.)

La deuxième raison réside en un fait évident : je suis incapable de faire preuve retenue lorsqu’il s’agit d’exposer mes opinions. La tirade anticapitaliste primaire qui précède le prouve :je cède à la haine la plus bestiale lorsqu’il s’agit de fustiger les infâmes prêtres de l’église consumériste planétaire, qui peuplent les yeux de couleurs appétissantes pour mieux répandre insidieusement leurs noirs éjaculats propagandistes à l’intérieur même de nos esprits, tapissant nos parois cérébrales les plus intimes de désirs indécents et autres besoins fantômes. Vous l’aurez très bien compris, à moins d’être, décidément, incroyablement cons : je tiens plus du seigneur Sith, cédant à la diatribe haineuse, que du sage Jedi, maître de ses pulsions. ( Soit dit en passant vous m’en voyez ravi, car chacun sait que les jedis sont des tarlouses qui préfèrent les sabres bleus au sabres rouges, alors que les rouges sont tout de même beaucoup mieux…) Cette parenthèse fermée, revenons en à nos moutons.


Malgré sa consonance néocolonialiste latente, qui violente l’oreille, force est de constater que le sens de cette expression n’est pas forcément celui qu’on lui attribue à la première lecture. « Les proverbes sont les lampes des mots », et ceux qui les offrent à l’humanité sont souvent très éclairés, ce qui implique que les mots dont ils usent avec style et habileté ne renvoient pas nécessairement à leur sens premier. Laissez-moi vous faire partager mon interprétation.

IL faut reconsidérer en tout premier lieu l’emploi du verbe « appartenir » ici l’idée de propriété est écartée. Je prends l’exemple d’un autre verbe au sens changeant pour appuyer mon dire :
« La chaleur de l’été s’éternisait et d’ultimes rayons de soleil menaient une lutte acharnée contre le crépuscule, répandant une lumière oblique et tiède sur la cime des arbres assoupis. Joseph observait, adossé contre un pilier de la pergola, l’alléchant spectacle de Marie qui préparait avec amour une délicieuse salade de saucisses. Cette magnifique créature portait un débardeur léger et un pantalon de toile. Elle léchait de manière sensuelle une sucette qui s’appliquait à répandre une caresse sucrée, à chacune de ses pirouettes, sur les lèvres pulpeuses de la jeune femme. Cette dernière baignait dans un rai de lumière agonisant, comme enveloppée par une brume de phytoplancton luminescent ; ce projecteur naturel donnait à sa peau de velours la douce couleur de l’abricot. Elle mélangeait avec vigueur le contenu du plat, ce qui donna aussitôt l’idée à son appétissante poitrine d’entamer un mouvement des plus hypnotique. Joseph ne pu supporter plus longtemps la brûlure que lui infligeait son désir, il se rua sur Marie : il voulait la posséder, ici et maintenant »

Vous conviendrez que dans cet extrait, le verbe « posséder » ne renvoie pas au concept de propriété ou à l’action d’acheter un bien : mais bien plutôt à l’action de se faire du bien. (Rappelons que les êtres humains, ainsi que les femmes, ne se possèdent plus, et ce depuis l’abolition de l’esclavage par mickael jordan, en 1664, lors des accords de Tchernobil, source :TF1)

L’emploi du sens figuré, ingrédient de base de la métaphore, donne une couleur toute nouvelle à notre proverbe de ce jour. Je me permets donc de reformuler l’expression selon ma propre interprétation : « Celui qui débute sa journée aux aurores savoure son existence de manière plus complète, et de ce fait multiplie ses chances d’atteindre la plénitude à laquelle il aspire. »

Je ne suis pas entièrement d’accord avec ce que je viens de dire, même si c’est savamment exposé. Le fait est que je ne comprends toujours pas pourquoi il faut se lever tôt, cet aphorisme doit être un message anti-loque. De toute façon, je vous avais prévenu au début de cette chronique que c’était de la métaphysique. Vous auriez dû vous douter que ça allait être chiant comme la mort et qu’aucune réponse n’allait être livrée : c’est toujours comme ça avec les questions existentielles, il n’y a jamais de réponse à fournir, mais uniquement des interrogations en suspens.

En vous présentant toutes mes excuses pour la médiocrité de ces lignes décousues,
je vous souhaite la félicité éternelle sur 24 générations. Bien à vous.

L’auteur.